Homélie du 11 janvier 2015

Chers amis,

P. Gaby Geagea

P. Gaby Geagea

je m’appelle Gaby Geagea, je suis prêtre libanais, en Allemagne depuis 2011 en tant que supérieur de la mission maronite en Allemagne. Entre 2006 et 2010 j’étais à Vienne en tant que aumônier de la communauté francophone.

Je suis profondément touché par le fait que Dieu, la Providence, m’aient ramené pour être parmi vous, particulièrement en ce jour. En tant que Libanais, en tant que maronite, j’aime la France : celle-ci fait partie de notre Histoire, de notre identité aussi bien ecclésiale que nationale, depuis Louis IX jusqu’à aujourd’hui.

Tout cela pour vous dire pourquoi je suis personnellement perturbé par les événements qui ont frappé la France depuis quelques jours. Je suis là pour prier avec vous, me rappeler avec vous que le Seigneur est avec nous, il n’a pas quitté la barque de Pierre, secoué par les tempêtes. Il n’a pas abandonné la fille aînée de l’église, la terre du curé d’Ars, de Jeanne d’Arc, ainsi que de Thérèse de Lisieux, qui nous apprend par ailleurs que Dieu écrit droit sur des lignes courbes. Quel bien peut-Il tirer notre Seigneur à travers ces traumatismes?

Tout d’abord j’aimerais répondre à deux questions : pourquoi le terrorisme islamiste et comment agir ?

Pourquoi le terrorisme islamiste? Pour terroriser, pour faire peur, épouvanter, affoler ! Pour imposer la terreur à une population.

Mais écoutons bien la parole du Christ qui nous dit : n’aie pas peur, petit troupeau!

La peur est une mauvaise conseillère. Il faut avoir courage, il faut faire face à son destin et lui donner la direction que nous voulons. C’est cela, la liberté humaine : être capable de choisir. C’est bien le Christ qui est allé jusqu’au bout dans son sacrifice, prenant sur lui la croix. En ces moments, nous n’avons pas le droit de nous sentir abattu, de laisser la peur s’emparer de nous.

« On a peur, on s’imagine avoir peur. La peur est une fantasmagorie du démon. »

Georges Bernanos – Dialogue des carmélites

Comment agir ? Comment se libérer de cette fantasmagorie ?

Fortifier et soutenir l’Etat de droit. Insister sur la priorité de l’intégration ! L’Europe ne peut pas être une forteresse ; c’est pourquoi Pegida est un mouvement arriéré, qui se fait l’illusion de pouvoir isoler l’Europe d’un monde mondialisé et interconnecté par la force même du développement. Mais les étrangers qui viennent vivre en Europe et qui veulent faire partie de son avenir, doivent s’intégrer. Que veut dire être « intégrer » ? Accepter la Constitution, le contrat social du pays qui nous accueille, reconnaître la charte des droits de l’homme, (particulièrement de la femme et de l’enfant), respecter les lois et les règles, apprendre la langue, s’ouvrir à la culture locale. Ne pas vivre en ghetto, ne pas tolérer les ghettos impénétrables ni les zones de « non-lieu » : espace interchangeable où l’être humain reste anonyme, selon l’anthropologue Marc Augé

« On dirait que les survivants de ces générations formées pour le plaisir, en ne se refusant rien on a appris à se passer de tout. » (Bernanos)

On n’a pas droit de se passer de tout ! Le cas échéant, nous courons le danger de laisser une Europe « jungle » pour nos enfants. Il faut refuser le politiquement correct, il faut dialoguer en regardant dans les yeux, en disant franchement et directement ce qui ne peut être accepté : Non à la terreur, non à toute sorte de violence domestique comme publique, non aux crimes d’honneurs, non à la polygamie, non au prosélytisme, non à la politisation du religieux, à travers des symboles comme la burqa, comme les minarets, la nourriture halal,…

N’ayons pas peur d’insister sur ces choses ! Dire franchement et ouvertement ce que nous pensons, sans insulter, sans être borné, sans généraliser non plus. Dans toute société, il y a des gens avec qui nous pouvons et nous devons dialoguer. Les hommes de bonne volonté ! C’est à eux de faire évoluer leur culture et de la greffer sur la culture européenne.

Quel bien pouvons-nous en tirer alors ? Ces événements en France doivent nous pousser à être vigilants et prêts pour prendre des décisions courageuses afin d’éviter des conflits qui ne feront que s’amplifier dans l’avenir si nous ne les traitons pas avec sagesse et fermeté dès à présent.

Et l’Eglise en tout cela ? Elle est appelée à jouer un rôle prophétique. Faute de quoi elle sera isolée et déconnectée. Elle doit promouvoir le dialogue, l’accompagner et le cibler. Il lui faut quitter l’allure moraliste qui renvoie une image d’hypocrisie. C’est ce que le Pape François essaye de faire. Hélas ? avec beaucoup de résistances internes ! Le synode sur la famille a révélé combien il y a de personnes dans l’Eglise qui refusent de reconnaître la réalité morale dans laquelle nous vivons tous, dans laquelle se trouve la majeure partie de nos familles. Une réalité qui ne peut être dépassée que par la pastorale de la miséricorde, du pardon. La pastorale « vernis » ne fonctionne plus et n’attire que les gens qui refusent de faire face à eux-mêmes. Des paroissiens avec masques ! Il faut quitter la carapace moraliste pour être les prophètes de la miséricorde et de compassion dans nos sociétés de plus en plus hétérogènes et interculturelles. Si elle ratait cette réforme, l’Eglise risquerait de ne pas être présente à l’heure où l’Europe éprouve le besoin crucial d’une voix prophétique !

En cette journée où des milliers de Français se rassemblent sur les places en silence, je vous invite à prendre un moment de silence pour prier pour les victimes, pour leurs familles. Prier pour transmettre un message commun : nous n’avons pas peur! Nous sommes là et notre espace public ne sera jamais déserté ! Nolite ergo turbere ! Que rien ne te trouble, que rien ne t’effraye, tout passe, Dieu ne change pas. Celui qui a Dieu ne manque de rien. Dieu seul suffit !

Père Gaby Geagea CML
Maroniten Mission Deutschland

Pater Gaby Geagea c.m.l
Delegat